Avec Ô vous, soeurs humaines, Mélanie Chappuis dévoile les mille facettes de l’existence féminine. D’une plume sensible et délicate, elle nous conte de brèves tranches de vie en autant de nouvelles. Celles-ci se répartissent en six grandes catégories intitulées Rivalités, Solidarités, Dualités, Complicités, Fidélités et Vanités. On y croise les amantes, les mères, les soeurs, les filles, les épouses et les maîtresses, les amies, les collègues…. Comme les titres des parties l’indiquent, la plupart des récits mettent en lumière les relations entre deux personnages féminins.

L’autrice adopte une focalisation interne, souvent en alternant les points de vue des protagonistes. Cette construction place le lecteur dans une position privilégiée, celle de l’observateur qui saisit les enjeux au-delà des paroles et des actes de chacune. Là où les héroïnes restent limitées à leur cadre de référence, nous saisissons les interprétations divergentes de chaque situation, les non-dits, les motivations cachées, mais aussi l’hypocrisie et le mensonge. Les nouvelles nous incitent ainsi à nous interroger sur nos propres rapports à autrui. Pourrions-nous sans le vouloir être celle qui s’oblige à maintenir un lien juste pour ne pas blesser une autre… qui rêve elle aussi en secret de le rompre? Cette femme qui se réjouit d’avoir éloigné une rivale… tandis que la maîtresse se moque de la naïveté de la légitime?

Ô vous soeurs humaines par Mélanie Chappuis

Ces nouvelles s’enchaînent comme des perles sur un collier, avec une pureté de style et une économie de moyens qui m’ont laissée admirative. Mélanie Chappuis porte l’art de la simplicité à sa plus haute expression. Chaque texte braque un projecteur sur un sentiment ou une expérience particulière, et tous atteignent sans détour le coeur de la cible. Les récits décrivent des situations banales; très courts, ils accordent peu de place au contexte, aux noms, au superflu. En quelques pages, l’autrice touche à l’universel. D’une écriture à la fois fluide et précise, sans fioritures inutiles, elle dresse des portraits tellement justes que toute lectrice pourra s’identifier à certains d’entre eux. L’émotion est au rendez-vous, le malaise parfois aussi car elle n’esquive pas les recoins sombres de la psyché féminine. La mère jalouse de sa fille, l’amie qui trahit, les soeurs qui se détestent en silence ou la cadre qui évince la collaboratrice susceptible de lui faire de l’ombre: je l’avoue, ce sont surtout les textes les plus grinçants qui m’ont marquée. Même si d’autres plus positifs m’ont aussi touchée, comme ce moment de tendresse entre une belle-mère et sa belle-fille autour d’un shampoing anti-poux.

Ô vous, soeurs humaines, c’est donc une lecture à la fois riche, émouvante et facile, qui s’accommodera bien d’être dégustée à petites bouchées. C’est aussi un recueil qui mérite parfaitement son titre, plein d’humanité et d’empathie pour ses personnages, même ceux dont les actes ou émotions pourraient sembler condamnables. Et qui nous incite ainsi à faire preuve de compréhension et de compassion pour nos semblables, nos soeurs si proches ou lointaines soient-elles… Pour ma part, j’ai été vraiment conquise par le style de l’écrivaine, sa facilité à poser en quelques phrases un personnage et une situation. Elle a plusieurs romans à son actif et je vais m’y intéresser car je suis très curieuse de voir si la magie opère aussi dans un plus long format.

Ô vous, soeurs humaines, Mélanie Chappuis. Slatkine & Cie, 2017, 126 p.

A lire si: Vous cherchez une lecture subtile et douce mais pas gnangnan.
A fuir si: Vous êtes sexiste et insensible. Enfin en même temps, si c’est le cas il y a peu de chances que vous soyez en train de lire cette chronique…

Ce roman m’a été envoyé en service presse par les éditions Slatkine & Cie. Je les remercie vivement pour cette belle découverte!

 

2 thoughts on “Ô vous, soeurs humaines: des nouvelles pour écrire les femmes dans toute leur diversité”

  1. Je vois que ce livre a l’air d’avoir son petit succès, et vu ta chronique, ce n’est sûrement pas pour rien ! J’ai toujours une très grosse méfiance envers ce genre de lectures, peut-être faudrait-il que j’abaisse mes barrières… Très bonne chronique en tout cas 😉

    1. Merci:-) Je ne sais pas s’il faut que tu abaisses tes barrières, j’imagine que ça dépend de la source de ta méfiance… J’ai aussi eu quelques échos de personnes qui ont trouvé les nouvelles trop superficielles – ce qui est presque obligatoire vu leur brièveté. Moi j’ai trouvé que c’était intéressant d’avoir ce côté juste suggéré, ça laisse de la place à l’imagination du lecteur!

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