J’ai tourné autour de Circé pendant de longs mois avant de me décider à l’acheter. Le sujet – une réécriture du mythe de Circé – me tentait beaucoup; les critiques dithyrambiques jouaient à la fois un rôle d’aimant (« si ça plaît à tous ces gens, c’est forcément bien »!) et de repoussoir (« avec tout le bien qu’on en dit, si c’est pas un truc incroyable, je vais être déçue »). Et donc, après lecture… Verdict!

J’ai été déçue.

Voilà, c’est dit, vous pouvez planter des épingles dans une poupée vaudou à mon effigie si vous voulez.

Mais reprenons au début: de quoi ça parle?

Circé de Madeline Miller

UN PORTRAIT DE LA SORCIÈRE CIRCÉ

Circé retrace tout simplement la vie du personnage éponyme, qui apparaît notamment dans L’Odyssée d’Homère. Fille d’une nymphe et du dieu Hélios, Circé est aussi une sorcière particulièrement connue pour sa maîtrise des herbes et potions qui lui permettent entre autres d’induire des métamorphoses. Comme, par exemple, transformer des marins en porcs.

Madeline Miller, helléniste et déjà autrice d’un roman sur Achille (Le Chant d’Achille) d’excellente réputation, peint de Circé un portrait résolument moderne et féministe. Elle nous montre une femme d’abord soumise, désespérément désireuse de se faire aimer de son père puis du marin Glaucos qu’elle transformera en dieu. Mais Circé est trop différente pour se faire accepter. Pas assez divine, elle qui a une voix trop proche de celle des humains et un physique imparfait; trop attirée par ce que les dieux méprisent. Il faudra qu’elle soit rejetée par sa famille, condamnée à l’exil, pour qu’elle prenne conscience de son vrai pouvoir et parvienne à conquérir son indépendance, transformant son châtiment en libération.

Madeline Miller nous offre donc la trajectoire émancipatrice d’une femme qui prend peu à peu la main sur sa destinée et assume ses responsabilités, non sans une certaine mélancolie: la divinité n’a pas que des bons côtés, surtout quand on s’attache à des mortels condamnés à la vieillesse et à la disparition. Elle nous donne aussi une passionnante leçon de mythologie, du moins pour moi qui ne savais à peu près rien de Circé si ce n’est le fameux épisode de la transformation des marins (qui s’avère bien méritée). J’ignorais qu’on lui attribuait un rôle dans la naissance et l’emprisonnement du Minotaure, par exemple, ou qu’elle était étroitement liée au monstre Scylla (oui, celui de l’expression « tomber de Charybde en Scylla »).

Mais alors, qu’est-ce qui m’a déçue dans ce roman?

UN STYLE QUI MANQUE D’ÉMOTION

C’est au niveau de l’écriture que ça a coincé. Enfin, coincé… pas vraiment, non. Tout est très bien écrit, fluide, ça se lit bien, le style est agréable… Bref, c’est une glace à la vanille.

Problème: j’attendais du piment, un truc qui arrache, qui me mette le feu aux tripes et les larmes aux yeux, qui me fasse vivre l’injustice de la manière dont les dieux et sa famille ont traité Circé, sa révolte contre les hommes qui abusent d’elle, sa détermination à sauver son fils coûte que coûte, son exultation la première fois qu’elle réussit une transformation…

Mais non, rien. La plume de Madeline Miller, aussi jolie qu’elle soit, reste descriptive, survole les faits, expédie des événements fondamentaux en 2-3 pages sans s’attarder sur les émotions ou les évolutions qu’ils ont pu provoquer chez son héroïne. Avec pour résultat que même si je ne me suis pas ennuyée, j’ai eu la sensation de rester spectatrice de l’histoire tout au long du livre. J’ai rarement éprouvé une réelle empathie pour Circé ou les autres personnages. Pas non plus d’images marquantes, de ces métaphores qui frappent par leur originalité ou leur capacité à ouvrir la phrase à d’autres significations, de ces fulgurances stylistiques capables à elles seules de rehausser un contenu un peu fade.

Une glace à la vanille, agréable sur le moment, mais oubliée aussi vite qu’elle est avalée.

Je me rends compte que ce jugement peut paraître un peu dur concernant un roman qui n’a par ailleurs aucun défaut majeur, et j’avoue que Circé a probablement souffert de la comparaison avec mon coup de coeur de l’année passée, L’obscure clarté de l’air (sur Médée, qui se trouve être la nièce de Circé) qui présentait toutes les qualités que j’ai cherchées sans succès chez Madeline Miller. Sa réputation a sans doute aussi généré chez moi des attentes trop élevées, comme je le craignais. Donc si le sujet vous intéresse, je vous en recommande tout de même la lecture, d’autant plus que je crois être l’une des rares personnes à ne pas l’avoir adoré.

Circé, Madeline Miller. Traduit de l’anglais (US) par Christine Auché. Editions Rue Fromentin, 2018, collection Pocket. 572 p.

A lire si: vous êtes fan de mythologie grecque et/ou avez envie de mieux connaître le personnage de Circé.
A fuir si: je ne vois aucune raison particulière de fuir ce livre. Sauf si vous détestez la glace à la vanille.

3 thoughts on “Mon avis mitigé sur Circé, de Madeline Miller”

  1. Ah oui, l’émotion ça fait beaucoup dans un livre. Un roman a beau être bien écrit, si l’émotion n’est pas présente, il risque d’être vite oublié. J’ai ressenti un peu la même chose avec « La colonne de feu » de Ken Follett. Apparemment c’est un grand écrivain, mais j’ai lu environ 70 pages, je l’ai refermé parce que je n’étais pas vraiment dedans. Comme tu dis on reste spectateur et le manque d’action… Après 70 pages j’avais l’impression d’être encore au début en me disant « mais quand est-ce que ça se lance ? »

    Bon c’est un gros livre de type historique, pas d’action aventure, certes. Mais j’avais également de meilleures attentes. Avec « Les dames du lac » de Marion Bradley, je n’avais pas eu ça. Même si je posais le livre, je finissais par le reprendre quelques jours plus tard. Peut-être que je lui accorderai une autre chance. Il fait un peu plus de 900 pages alors peut-être que j’ai stoppé ma lecture trop vite. On verra bien.

    1. C’est toujours un choix difficile d’abandonner un livre! Et c’est sûr qu’à 900 pages, tu peux te dire que les 70 premières peuvent faire office d’introduction… Mais combien de temps faut-il s’obstiner avant de laisser tomber pour de bon?
      Récemment j’ai abandonné « Gagner la guerre », dont j’avais pourtant entendu énormément de bien. J’en ai lu plus de 200 pages (sur 800), en me forçant un peu, avant de me dire que vraiment ça ne le faisait pas… Parfois ce que les autres adorent ne nous convient tout simplement pas!

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