Les arbres revêtent leurs plus belles parures de cuivre et d’or, les chaussons et les couvertures ressortent des armoires en même temps que les envies de cocooning et la soupe à la courge… L’automne est bien là, les fans de ski commencent à trépigner en regardant leurs lattes, et les vacances d’hiver s’organisent! Peut-être avez-vous déjà réservé ces quelques jours dans un chalet en haut des pistes, havre de paix et de blancheur dans lequel vous pourrez savourer de longues soirées devant un feu de bois? Mais… avez-vous pensé à ce que vous alliez lire, en écoutant les bûches crépiter dans la cheminée?

Je vous suggère Shining, de Stephen King! Mais attention, seulement si vous aimez frissonner, et pas seulement de froid…

couverture de Shining par Stephen King

 

Si Shining est devenu un classique du cinéma d’horreur grâce à Stanley Kubrick et à Jack Nicholson, c’est avant tout un classique de la littérature d’épouvante que j’ai découvert bien avant le film, à l’âge de 12-13 ans, et lu en cachette tapie dans une pièce sombre (autant dire que tous les ingrédients étaient réunis pour que la terreur soit à son paroxysme). D’ailleurs, je n’ai pas osé y retoucher pendant… longtemps (non, vous n’aurez pas de précisions, petits curieux!), jusqu’à ce que je redécouvre Stephen King et me laisse tenter.

Résumons rapidement pour celles et ceux qui n’auraient pas vu le film: c’est l’histoire d’une famille qui s’en va passer l’hiver dans un vieil hôtel isolé au milieu des montagnes du Colorado, le père ayant été engagé comme homme à tout faire pendant la fermeture annuelle. (Et là, vous venez de comprendre le pourquoi du comment de la recommandation. Merci de votre patience).  Devant eux, trois mois de solitude, bloqués par la neige, reliés au monde extérieur seulement par une radio. La dernière chance pour Jack, autrefois écrivain et prof de littérature dont l’alcoolisme a ruiné la carrière, d’écrire la pièce de théâtre qui le remettra sur les rails. La dernière chance aussi de sauver son mariage avec Wendy et de se faire pardonner d’avoir battu leur fils, Danny, alors qu’il était ivre.

Tout aurait pu si bien se passer. Si seulement l’Overlook n’était pas habité par une force maléfique. Si seulement Danny ne possédait pas le shining, ce don de clairvoyance qu’il est trop petit pour maîtriser et qui réveille les fantômes de l’hôtel. Si seulement l’Overlook ne convoitait pas Danny et son pouvoir, plus que tout, au point de faire basculer les Torrance dans une folie meurtrière…

Relire Shining avec des yeux d’adulte s’est avéré tout aussi captivant que des années plus tôt (et quand même un peu moins effrayant). Cela m’a aussi permis de mieux apprécier le talent de Stephen King. Bien sûr, le maître de l’horreur sait parfaitement comment installer une ambiance anxiogène à souhait et instiller petit à petit l’angoisse dans l’esprit de ses lecteurs. Mais c’est aussi, et peut-être surtout, un fin connaisseur de l’âme humaine et un raconteur d’histoires hors pair. C’est ainsi qu’il nous tient en haleine sur près de 500 pages de quasi huis-clos, rompu uniquement par les apparitions ponctuelles de quelques personnages secondaires dont même les plus insignifiants semblent de chair et de sang. Avec King, rien ni personne ne reste plat, sottement bidimensionnel. Et surtout pas les enfants, dans la peau desquels il se glisse avec une facilité déconcertante et qui acquièrent sous sa plume une complexité étonnante, bien loin des clichés de pureté et d’innocence que les adultes nostalgiques ont tendance à leur attribuer. Le romancier est ainsi au sommet de son art lorsqu’il nous fait voir les événements terrifiants qui surviennent dans l’hôtel à travers les yeux de Danny, 5 ans.

King accomplit un autre tour de force en plongeant dans la psyché de Jack Torrance. En nous dévoilant petit à petit son passé, ses espoirs, ses déceptions, il nous amène à comprendre que si l’Overlook est hanté, l’esprit de Jack l’est tout autant. C’est bien d’ailleurs dans l’enfance de Jack qu’il faut chercher la source de l’emprise du vieil hôtel sur lui. Au fur et à mesure que les morts des décennies glorieuses de l’établissement reprennent vie et affleurent dans le présent, la brutalité dont Jack a souffert aux mains de son père et qu’il a tenté d’enfouir en lui refait surface et finit par le posséder… Au récit surnaturel se superpose une étude de cas des liens étroits entre violence, alcoolisme et folie et de leur transmission, de génération en génération.

Et c’est peut-être l’aspect le plus dérangeant du livre, car on ne peut pas s’en débarrasser d’un simple « les fantômes n’existent pas ». Même si Danny parvient à vaincre l’Overlook, comment oublier qu’il porte en lui l’héritage de Jack, comme Jack portait celui de son père? L’histoire peut-elle, est-elle condamnée à se répéter?

Pour le savoir, il faudra lire la suite… (Doctor Sleep, paru en anglais et français en 2013).

Et vous, avez-vous lu Shining? En auriez-vous envie ou préférez-vous voir le film?

The Shining, Stephen King, 1977 (1re édition). Lu dans l’édition Hodder, 2011.

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