Une fois n’est pas coutume, j’ai décidé de vous parler non pas d’un livre mais d’une revue. America, c’est un projet ambitieux qui consiste à raconter les Etats-Unis sous la présidence de Donald Trump, au rythme de 4 parutions par an pendant toute la durée de son mandat, soit 4 ans. Chaque numéro éclaire les facettes multiples d’une des grandes questions qui taraudent l’Amérique: la place des femmes, la violence, la race, la religion, mais aussi des « mythes américains » comme la nature sauvage ou le FBI. L’originalité du concept? Ce sont des écrivains, français et américains, qui prennent le pouls de la plus grande puissance du monde.

L’AMÉRIQUE AUX RAYONS X

Ayant découvert la revue sur le tard, je n’ai pas encore lu tous les numéros parus, mais j’ai été frappée par le portrait nuancé qu’elle brosse de l’Amérique, prenant volontiers les clichés à rebrousse-poil. J’ai facilement tendance à penser que nous sommes assez proches de ce pays d’un point de vue culturel; que les civilisations européennes et américaines prennent leurs sources aux mêmes racines et appartiennent à la grande famille des civilisations « occidentales ». Sans parler de la diffusion extrêmement large du style de vie et de la culture populaire américains, qui imprègnent à présent l’imaginaire mondial.

Et pourtant. En lisant les reportages d’America, je suis systématiquement confrontée à la naïveté de cette supposition. Le choc de réaliser à quel point l’histoire des Etats-Unis et sa société sont marqués par la plaie encore purulente de l’esclavage; ou de faire connaissance avec ces bourgades où l’on considère littéralement le pétrole comme un cadeau divin, pour ne citer que deux exemples révélateurs de différences fondamentales entre ici et là-bas. 

Numéros 4, 6, 7 et 8 de la revue America

Comment de telles divergences culturelles ne résulteraient-elles pas en une vision du monde très différente? Même s’il serait très réducteur de généraliser en imaginant une forme de pensée commune à tous les américains (ou tous les Européens, ou tous les Suisses…), le fait est que vivre en Amérique aujourd’hui implique de manière assez générale certaines expériences que nous n’avons pas, même si nous portons les mêmes vêtements, regardons les mêmes films et nous conformons aux mêmes critères de réussite.

Dès lors, il me semble vain d’essayer d’interpréter ce qui se passe en Amérique à partir de notre propre réalité – comme j’ai appris en psycho, il faut toujours chercher à comprendre le patient dans son cadre de référence. Nous apporter les références nécessaires, c’est le rôle primordial que joue America. Comprendre? C’est là qu’intervient la littérature…

OÙ LES GRANDES PLUMES AMERICAINES SE RENCONTRENT

En effet, si America parle de société et de politique, la littérature y occupe une place essentielle. Les grands noms de la littérature contemporaine tels que Philip Roth, Paul Auster, Toni Morrison ou Stephen King s’y expriment dans de longs entretiens ou des essais, auxquels s’ajoutent des nouvelles inédites et des extraits en VO et VF de classiques. En contrepoint de son portrait sans fard de l’Amérique actuelle, la revue brosse un véritable panorama des lettres américaines. Et questionne aussi: dans ce pays en proie à la cacophonie des opinions, jusqu’où peut porter la voix des écrivains? Et pour dire quoi?

Pour moi qui connais mal les auteurs américains, cela m’a permis d’en découvrir certains par le biais de leurs idées, et donné envie de voir comment celles-ci se traduisaient dans leurs romans. America a aussi rappelé à mon souvenir des auteurs lus jadis puis oubliés, ou donné l’occasion de goûter à quelques pages de ces oeuvres mythiques que sont Huckleberry Finn ou On the Road. En bref, chaque numéro est à la fois une mine d’or pour les passionnés de littérature américaine, et une excellente introduction pour tous ceux qui aimeraient la découvrir.

Dernier aspect positif: un graphisme vraiment attirant, c’est un point auquel je suis sensible!

Le seul point négatif que je relèverais: un prix assez élevé, en tout cas en Suisse (30 CHF le numéro à l’achat en kiosque…) qui peut rebuter. Je le trouve néanmoins raisonnable si l’on considère qu’un numéro, c’est 200 pages d’un contenu de très grande qualité, dense et surtout sans aucune pub! L’abonnement (70 euros/an) est plus avantageux. A noter que l’on peut aussi trouver la revue dans certaines bibliothèques, comme la bibliothèque municipale de Lausanne!

Connaissez-vous cette revue? Sinon, est-ce qu’elle vous intéresse?

13 thoughts on “America, la revue qui vous raconte l’Amérique”

    1. Non pas du tout, elle est en français! Il y a seulement quelques extraits qui sont en anglais, mais il y a toujours la traduction en parallèle.

  1. je la connais de nom
    je ne l ai pas encore lu mais ça a l’air très intéressant
    je vaiscontinuer à lire des auteurs américains en 2019 et déjà avec mes lectures 2018 j’en apprends plus sur la société américaine

  2. Très bonne idée, cet article sur America ! C’est une revue que je ne manque jamais non plus, j’ai craqué au deuxième numéro et commandé le premier. On m’a demandé pourquoi, étant une non-passionnée des Etats-Unis et de sa littérature (disons plutôt que je la connais mal), j’achetais cette revue du coup, et comme tu l’as dit, j’en apprends beaucoup tout en n’y connaissant rien ! C’est très instructif et les grands entretiens sont passionnants. (triste de toujours les entendre dire qu’ils sont surpris qu’on leur demande leur avis parce que généralement, tout le monde s’en fout…)

    Et le reste m’a aussi fait réaliser que ce pays ne ressemble pas tant aux pays européens qu’on nous le dit ! Je pense que pour tout ce qui est consommation, on est très proches, mais pour le reste, pas vraiment, et comme tu l’as dit, surtout en raison de leur histoire.

    Ta photo est très belle et je découvre sur ton menu à droite que t’as un profil Instagram, j’arrive !

    1. Moi j’en ai entendu parler à partir du numéro 4 je crois, et ensuite j’ai acheté celui sur les femmes parce que le sujet me parlait. J’ai vraiment accroché! Et maintenant je suis toujours en train de rattraper les anciens numéros, je les emprunte à la biblio en attendant de décider si je m’offre la collection complète…

      La plupart des grands entretiens, ce sont des auteurs que je n’ai pas lus ou très peu, et je trouve qu’ils sont tellement pertinents dans leurs réponses que ça donne très envie de les découvrir!

      Pour les reportages, j’avoue que je suis très souvent tout simplement ahurie de ce que je découvre. J’ai l’impression que la vision des Etats-Unis que je me suis construite, souvent à travers les films et les séries, est totalement fausse, ou en tout cas ne s’applique qu’à une toute petite portion de la population. Et je dois dire que je trouve la réalité assez effrayante…

      Merci pour la photo! C’est mon copain qui a fait la disposition des éléments, je transmettrai ton appréciation;-)

  3. Revue passionnante en effet et souvent effrayante (je pense notamment à un article sur un lycée, paru dans le dernier numéro : celui sur « la race en Amérique »). Cette publication nous permet d’avancer dans la compréhension de ce pays que nous connaissons finalement bien mal.

    1. Ah je me souviens de cet article! C’est tout le système scolaire qui m’avait paru sidérant, comme le fait de virer tous les profs en bloc si les élèves n’atteignent pas un certain taux de réussite… J’espère qu’on en arrivera jamais là!

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