C’est le matin de Noël. Holly se réveille en retard, son mari file chercher ses parents à l’aéroport, la laissant seule avec leur fille Tatiana. Et avec une certitude nouvelle chevillée au coeur: quelque chose les a suivis de Russie jusque chez eux. Quelque chose qui se tapit dans l’ombre depuis cet autre Noël, treize ans auparavant, où ils ont ramené Tatiana d’un orphelinat sibérien.

Commence alors le récit d’une journée presque comme les autres. La préparation du repas de Noël. Les chamailleries d’Holly avec son adolescente de fille. Une tempête de neige qui peu à peu les isole du monde extérieur. Le tout entrecoupé des réminiscences d’Holly: les circonstances qui ont mené à l’adoption de Tatiana, son coup de coeur pour le bébé désigné par l’administration russe, les formalités jusqu’à ce qu’enfin Tatiana soit à elle. Et peu à peu, imperceptiblement, un glissement qui nous entraîne de la banalité du quotidien aux eaux troubles du fantastique.

Esprit d'hiver de Laura Kasischke

Une ambiance subtilement angoissante

Les premières pages du récit m’ont immédiatement séduite, tant Laura Kasischke parvient à y distiller un profond malaise. Sous sa plume, l’évocation de quelques malheurs domestiques combinée à l’effroi de Holly suffisent à persuader le lecteur qu’une tragédie est sur le point de se produire. Malheureusement, la tension retombe assez vite. Le milieu du livre présente des longueurs que n’allègent pas les disputes entre une Tatiana et une Holly tour à tour aussi insupportables l’une que l’autre. Il faut attendre la fin pour que le rythme accélère à nouveau alors que Laura Kasischke démontre tout son talent pour créer la surprise.

Le défaut principal d’Esprit d’hiver est finalement son intrigue, trop mince peut-être pour en faire un roman. Elle aurait à mon sens gagné à être resserrée, quitte à la réduire à une novella. Par contre, j’aime toujours beaucoup la plume de l’autrice, découverte avec Rêves de garçons. Laura Kasischke ne fait pas de grands effets de style mais instaure une atmosphère par petites touches, à coups d’images et de métaphores: le vent qui claque comme un nerf, le rôti qui évoque un animal mort au bord de la route ou les « capuchons de pendu » qui protègent les rosiers du gel dessinent peu à peu un paysage inquiétant tandis que page après page, l’illusion de normalité se fendille et cède la place au doute: quel est ce danger qui guette les deux femmes, entre le sapin et les cadeaux? Et surtout, vient-il de l’extérieur… ou de l’intérieur?

Esprit d’hiver, Laura Kasischke. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Aurélie Tronchet. Le Livre de poche, 2013. 302 p.

À lire si: vous aimez les romans d’atmosphère où l’ambiance compte plus que les événements.
À fuir si: vous détestez les récits intimistes.

 

 

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