La lune, l’étoile et le flocon clot la trilogie commencée avec Des miroirs et des alouettes, puis L’Oncle de Vanessa, dont j’ai déjà chroniqué les deux premiers tomes. Attention donc si vous ne les avez pas lus, des spoilers sont possibles!
Ce nouvel opus s’ouvre sur une éruption volcanique qui entraîne rien moins que l’évacuation de l’Islande et une réaction en chaîne à l’échelle mondiale. Parmi les victimes, le narrateur et sa compagne Fjörgyn, qui s’imposeront peu à peu comme des doubles du narrateur des deux premiers volumes et de sa fiancée Vanessa. On y retrouve donc les procédés chers au Minot Tiers: la mise en abyme, l’intertextualité (focalisée ici sur le Voyage au Centre de la Terre de Jules Verne), les jeux de miroir, la porosité des limites à tous les niveaux de la fiction, la réflexion sur les liens que celle-ci établit avec la réalité.
Le texte déjoue ainsi les attentes du lecteur, l’invite à questionner et à interpréter, poussant à l’extrême une conception de la littérature qui met l’accent sur le rôle actif du lecteur. L’un des personnages, professeure spécialiste de Jules Verne, décrit ainsi la différence entre l’histoire racontée par un livre, qui en représente la géologie, et l’interprétation qu’en fait le lecteur, qui elle en constitue la géographie, les paysages multiples qui peuvent naître des mêmes fondements géologiques.
Tous les exemplaires d’un même roman offrent à lire la même histoire, c’est-à-dire la même combinaison de mots, de phrases, de paragraphes: « la géologie est la même ». Et pourtant, ces mêmes combinaisons offrent à chaque fois des interprétations différentes, de sorte que « vous êtes la clef » pour ouvrir la prison dans laquelle ces mots sont enfermés: « la géographie est toujours différente », il y a « autant de géographies que de lecteurs ».
On peut facilement imaginer qu’il s’agit là de la propre théorie de l’auteur, lui-même spécialiste du « merveilleux géographique » dans l’oeuvre de Jules Verne. N’allez toutefois pas croire que vous aurez affaire à un manuel de théorie littéraire; les personnages ne l’entendent pas de cette oreille et auront vite fait, via réclamation à l’éditeur, de renvoyer à sa bière ce prétentieux « plus doué pour analyser la représentation de l’espace et des lieux chez Jules Verne, Marcel Proust et Julien Gracq que pour créer une histoire romanesque qui tienne la route ».
L’ambition de l’auteur est en effet de proposer une forme originale de roman pédagogique. La lune, l’étoile et le flocon se présente donc à la fois comme une métaphore de l’écriture, une manière de vulgariser des concepts complexes, et un manifeste pour une littérature exigeante qui demande au lecteur un véritable engagement intellectuel. Tout en restant avant tout une histoire dont on a plaisir à suivre les personnages et envie de connaître les tenants et les aboutissants.
Si vous recherchez des lectures originales, stimulantes, et que l’écriture, la littérature et la fiction font partie de vos sujets de réflexion favoris, je ne peux donc que vous conseiller cette trilogie!
La lune, l’étoile et le flocon. Le Minot Tiers. La ligne d’erre Editions, 2019, 198 p.
Ce roman est pour le moment en vente exclusivement via le site de la maison d’édition.
Ce roman m’a été envoyé en service presse par l’auteur et La Ligne d’erre Éditions, que je remercie vivement pour cette belle découverte!