La Promesse de l’aube fait partie de ces livres à lire les jours de désespoir, ceux où on a envie d’étrangler le monde entier et la sensation que tout finira mal quoi qu’on fasse. Parce que c’est un bijou d’humour et d’émotion qui redonne envie de croire à des idéaux et de tenter de les atteindre.

Ce roman d’inspiration autobiographique est avant tout un hommage vibrant à la mère de l’auteur, qui l’a élevé seule. Cette femme au coeur immense, à l’imagination débordante et à l’ambition démesurée, grande admiratrice de la France, qui décida, alors qu’ils vivaient au fond de la Pologne, que son fils de dix ans deviendrait un grand écrivain, un héros, et ambassadeur de France.

Une relation mère-fils passionnée

Le récit que le narrateur fait de son enfance en Russie et en Pologne, puis de son adolescence à Nice et enfin de sa participation à la Seconde Guerre Mondiale comme pilote de chasse, déborde d’ironie tendre envers cette mère extravagante et combative qui ne craint aucun ridicule quand il s’agit de manifester sa foi dans le destin exceptionnel de son fils. Le narrateur adulte jette un regard à la fois nostalgique et amusé sur sa jeunesse. La plume est vive, l’humour et l’autodérision toujours présents. Impossible de ne pas sourire quand il nous raconte les tentatives du petit Romain de devenir un génie dans divers arts avant de se rabattre sur l’écriture par dépit ou les longues heures passées à chercher des pseudonymes suffisamment éloquents pour ses futurs chefs-d’oeuvre.

Le ton devient plus doux-amer pour évoquer les pièges d’une relation aussi fusionnelle. La solitude de l’homme après la disparition de sa mère, incapable de retrouver un amour aussi puissant que l’amour maternel, cette promesse de l’aube évoquée dans le titre. La pression suscitée par tant d’espoirs placés en lui, qui depuis sa plus tendre enfance n’aura qu’un but: réaliser les rêves de sa mère. Il se fait grave parfois, pour énumérer les camarades aviateurs tombés au combat ou lister les obstacles qui se dressent contre une mère célibataire immigrée et pauvre dans les années 30-40.

La Promesse de l'aube, de Romain Gary

Un récit humaniste à la portée universelle

Bêtise, préjugés, mais aussi vérités absolues proclamées au nom d’une foi ou d’une idéologie – ainsi s’appellent les ennemis contre lesquels doit s’élever la mère du narrateur. Lequel reprendra le flambeau, faisant de sa lutte pour réaliser les rêves de sa mère un symbole du combat pour la dignité humaine. Toute sa vie, il s’efforcera de rendre le monde et l’humain plus nobles et plus justes, plus conformes aux idéaux  inculqués par sa mère. Et si le narrateur adulte se rend bien compte que la partie était perdue d’avance, jamais il ne remet en question l’importance de chercher à s’arracher à la médiocrité, de quelque manière que ce soit.

Evidemment, dans votre quarante-cinquième année, il est un peu naïf de croire à tout ce que votre mère vous a dit, mais je ne peux pas m’en empêcher. Je n’ai pas réussi à vaincre la bêtise et la méchanceté, à rendre la dignité et la justice aux hommes, mais j’ai tout de même gagné le tournoi de ping-pong à Nice, en 1932, et je fais encore, chaque matin, mes douze tractions, couché, alors, il n’y a pas lieu de se décourager.

La dignité de l’être humain ne nécessite pas de réussir. Juste d’essayer. Et qui sait? On peut s’approcher plus près du but qu’on ne le pense… Comment ne pas y croire, alors qu’on lit l’incroyable destin de cet homme porté au sommet par les ailes des espoirs insensés de sa mère?

Romain Gary est devenu un grand écrivain, officier décoré de la légion d’honneur, et Consul général de France à Los Angeles.

La Promesse de l’aube, Romain Gary. Editions Gallimard, Folio, 1960. 371 pages.

A lire si: vous cherchez une lecture à la fois drôle et émouvante.
A fuir si: vous êtes cynique et misanthrope (et voulez le rester).

 SI CE LIVRE VOUS INTÉRESSE…

… mais que vous n’avez pas envie de vous plonger dans un roman, vous pouvez aussi regarder l’une des adaptations cinématographiques. La première, signée Jules Dassin, date de 1970. En 2017, une nouvelle version d’Eric Barbier est sortie avec Pierre Niney dans le rôle principal. Je n’ai vu aucune des deux.

6 thoughts on “La Promesse de l’aube, de Romain Gary: un concentré d’humour et d’humanisme”

  1. J’adore Romain Gary ! Et Émile Ajar aussi !
    Ce livre, je j’ai lu et relu !
    Et j’ai beaucoup aimé la nouvelle adaptation avec Niney qui est un formidable acteur

    1. Hello François!
      Moi aussi j’aime beaucoup Gary, mais je n’ai jamais lu les livres écrits sous le nom d’Ajar… Lacune à rattraper!
      Contente de savoir que tu as aimé le film, ça m’encourage à le voir car j’ai toujours peur d’être déçue des adaptations…

  2. Il a du vécu ton livre ! ^^ Quand j’ai lu ton article, j’ai un peu pensé à Rosa Parks. J’avais utilisé son exemple sur le thème de la désobéissance civile pour mon sujet de philosophie au Bac. Elle avait refusé de sortir du bus, jugeant qu’elle avait autant le droit d’être assise à cette place qu’un blanc. C’est pas vraiment le même sujet mais j’ignore pourquoi, j’ai eu une pensée pour elle. 🙂

    1. Oui, il était à ma mère quand elle était jeune:-) Je pense que tu n’es pas à côté de la plaque avec Rosa Parks, Romain Gary a d’ailleurs écrit un autre roman qui se passe dans le contexte de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis. Il s’appelle « Chien-Blanc ».

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