A vingt ans, ils rêvaient de sauver la planète. S’attacher à des rails en guise de protestation, s’introduire par effraction dans des usines, libérer des animaux de laboratoire – ils ont tout risqué pour l’environnement. Des années plus tard, après s’être longtemps perdus de vue, ils se retrouvent pour un week-end sur une île de la Baltique. Philipp, l’architecte qui s’est embourgeoisé; Timo, écrivain sans le sou; Yasmin, qui oscille entre bouddhisme, communisme, ésotérisme et cannabis; et Leonie, bizarre et caractérielle. Mais la tempête se lève, dans les coeurs comme en mer. A la fin du séjour, trois personnes sont mortes, l’assassin dans le coma…. Deux ans après « la nuit sanglante de Hiddensee », Doro Kagel, journaliste spécialisée dans les affaires criminelles, revient sur les lieux pour comprendre.
UNE INTRIGUE SAVAMMENT CONSTRUITE…
Le récit alterne entre deux temporalités. Au présent, nous suivons Doro dans son enquête sur le massacre de Hiddensee. Mère célibataire workaholic et un peu déprimée, Doro m’a tout de suite été sympathique et je l’ai accompagnée avec plaisir alors qu’elle se lance à contrecoeur dans son article, puis qu’au fur et à mesure de ses investigations elle se laisse envahir par une idée folle: et si le coupable n’était pas celui qu’on croit? Mais les chapitres les plus prenants sont à mon avis ceux qui nous ramènent à Hiddensee, au cours des journées précédant le drame.
Tout le talent littéraire d’Eric Berg apparaît dans ses descriptions de cette petite île battue par les vents où le ciel se couvre d’étoiles à la nuit tombée et où seuls résonnent les cris des mouettes. Quelques kilomètres carrés de sable où l’air et la lumière semblent vibrer de pureté. Et là, au bord de la mer, la Maison des brouillards. Une villa de verre, où le soleil entre à flots. Et dont les habitants sont exposés à la vue de tous… Sauf quand le brouillard l’avale.
Le brouillard se reflétait si parfaitement sur les façades de verre qu’il semblait se confondre avec la maison, toute frontière entre les éléments solide et gazeux abolie. A quelques mètres de l’entrée, il me vint l’idée étrange que la maison se changerait un jour en brouillard et ne reprendrait plus jamais sa forme première. Elle disparaîtrait complètement, comme dans « La Chute de la maison Usher » d’Edgar Allan Poe, et avec elle tous ceux qui y avaient jamais vécu.
Le décor est planté pour un huis-clos angoissant au cours duquel les tensions montent lentement vers un dénouement aussi terrible qu’inéluctable. Un spectacle auquel on assiste avec un malaise d’autant plus grand que, contrairement aux personnages, on en connaît déjà la fin… Ou presque. Car Eric Berg ne nous révèle ni l’identité du coupable… Ni celle des victimes. Et c’est un tour de maître, car il devient beaucoup plus difficile d’accuser l’un des protagonistes quand on ignore s’il a survécu à la tragédie!
… JUSQU’AU REBONDISSEMENT FINAL!
Non content de nous laisser dans le flou, l’auteur sème les fausses pistes avec un art consommé. Et ça fonctionne! Moi qui suis une habituée du thriller, je me suis entraînée à déchiffrer les indices que les romanciers nous laissent entre les lignes. Et il arrive toujours un moment, plus ou moins proche de la fin du livre, où ça y est, je tiens le coupable. Mais là, non. J’avais cru repérer des signaux subtils, je m’étais fait ma petite idée et je me croyais très maligne. Bref, je suis complètement tombée dans le panneau, d’où mon ahurissement au moment de l’ultime révélation! Et de me repasser ensuite toute l’histoire mentalement, en me disant « Mais bien sûr, comment ai-je pu ne pas soupçonner, c’était pourtant logique… ».
Rien que pour sa capacité à me surprendre, La Maison des brouillards mériterait déjà une excellente note. Si on ajoute en plus son atmosphère particulière et la plume très fine d’Eric Berg… Je ne peux que le conseiller vivement à tous les amateurs de thrillers! Je remercie d’ailleurs les éditions Slatkine & Cie de m’avoir fait découvrir ce roman et son auteur, définitivement à suivre.
La Maison des brouillards, Eric Berg. Traduit de l’allemand par Catherine Barret. Slatkine & Cie, 2017, 395 p.
SI CE LIVRE VOUS INTERESSE, VOUS AIMEREZ PEUT-ÊTRE AUSSI…
Dix petits nègres, d’Agatha Christie. Ce grand classique du roman policier constitue l’archétype du huis-clos anxiogène. Dix personnes qui ne se connaissent pas sont invitées dans une propriété située sur une île déserte. Où elles rencontrent l’une après l’autre une mort tout sauf naturelle… L’assassin rôde, mais vient-il de l’extérieur ou de l’intérieur du groupe?
A mon tour de découvrir ton très sympathique blog 🙂
Amatrice de thrillers je suis à la recherche de belles découvertes ! Je ne connaissais absolument pas celui-ci, mais ton avis (et la référence aux Dix petits nègres) est fort alléchant !
Je me réjouis de connaître ton avis, si tu décides de le lire!